Cache-cache
La plupart de nos rencontres guyanaises sont en fait un coup de chance. Comme cette mygale, les petites bêtes de la forêt ont développé une foule de techniques pour échapper à l’œil du prédateur… et du photographe.
L’Amazonie est réputée pour être un « hot spot » de biodiversité et tout particulièrement pour les invertébrés. Quelques études ont déjà été faites en Guyane portant sur les habitants d’un seul arbre. En pulvérisant un puissant insecticide du tronc jusqu’à la canopée, les chercheurs récoltent ainsi des milliers d’insectes et de petits invertébrés. Pourtant, malgré la preuve de cette profusion d’animaux, il est fréquent de ne pas avoir vu grand-chose après une journée de marche en forêt. Pour la photo du jour, il aurait été bien facile de passer à coté de cette jeune mygale. C’est souvent l’œil attiré par quelque chose d’autre qui nous force à coller le nez sur une feuille et voir enfin la bête. Pour cette mygale trouvée en bord de chemin, la feuille qui lui sert de nid était de plus tourné vers le sol, le nid de l’araignée étant ainsi quasi-invisible. Comme souvent, il a donc fallu tricher un peu pour la photo, l’assistant personnel d’Anaïs (Bibi, pour ceux qui suivent) a donc dû tourner la branche soutenant le nid pour pouvoir faire cette photo au macro.
Durant ce séjour, quelques mygales ont été vues par hasard, traversant notre route au moment de notre passage (mais ce sera le thème d’une prochaine photo), mais nombreuses sont celles qui ont été aperçues dans leur nid, bien à l’abri des regards. Si celle d’aujourd’hui a élu domicile dans une feuille soigneusement enroulée sur elle-même avec de la soie, d’autres préfèrent se cacher dans un trou au sol, dans une anfractuosité d’une liane, ou encore certaines se construisent leur petit nid discret sur un tronc. Dans tous les cas, il est vraiment facile de passer juste devant sans s’apercevoir de rien. Et, malheureusement pour nous, un grand nombre d’espèces animales en tout genre poussent l’art du mimétisme très loin. Pour illustrer tout ça, je vous propose un petit jeu, du genre « Où est Charlie ? », mais en pleine jungle. Avec des animaux. Et sans Charlie. Bref…
Si le mimétisme se fait souvent grâce à la couleur (identique à la couleur du support) comme pour cette petite mante, certains poussent jusqu’à imiter les nervures de la feuille comme pour cette énorme sauterelle. De plus, le comportement même de ces animaux sert le camouflage. Ainsi, alors que la plupart des mantes se tiennent bien droites, les pattes avant parallèles, cette petite mante (chapeau à celui qui la trouve du premier coup !) se tenait immobile entièrement plaquée contre sa branche, les pattes dépliées sur ses flancs.
Mais les insectes poussant le plus loin ce mimétisme sont bien entendu les phasmes. Certaines espèces imitent une feuille à la perfection, d’autres préfèrent se mêler aux jeunes branches vertes, et enfin la plupart sont quasiment invisibles au milieu des brindilles d’arbres morts. Pour ceux-là, j’avoue avoir poussé un peu le vice pour la photo, mettant face à face un phasme et une brindille. Cherchez l’intrus…
Mais si les insectes sont les champions du camouflage, quelques petits vertébrés ne sont pas en reste. C’est le cas notamment des grenouilles : dans la plupart des cas, nous les avons vues uniquement au moment où elles sautaient pour éviter une rencontre malencontreuse avec une semelle de chaussures de rando… Il faut dire qu’elles choisissent souvent bien la couleur du sol ou de leur branche pour aller avec leur robe (ou vice-versa, des fois on ne sait plus trop). Nous avons aussi rencontré très fréquemment des grenouilles-feuilles. Ces petits amphibiens ont un corps relativement aplati, un museau effilé, ainsi qu’une longue bande claire traversant leur dos. Coup de bol, ça ressemble plutôt bien aux nombreuses feuilles mortes jonchant le sol…
Je pourrais continuer les exemples de mimétisme encore longtemps, allant du petit papillon de nuit au serpent-liane. Il est juste évident que nous passions en permanence à coté de milliers d’animaux sans même s’en douter. Et lorsque l’on arrive enfin à repérer une petite bête, le deuxième problème posé par l’anatomie étrange des animaux tropicaux arrive : pouvoir identifier l’espèce. Car il semble que certains s’amusent à copier joyeusement le voisin… Mais je vous parlerais de tout cela demain, toujours en images !
Yann
Pour l’instant, c’est une de mes photos préférées. La lumière est très bien gérée (et puis on n’est pas obligés de savoir que vous avez triché un peu pour la prendre…j’imagine que c’est le cas des meilleurs photographes animaliers – d’ailleurs, ça mérite un petit post « éthique »). Et merci pour ces « où est Charlie »?
Triché, triché… On parle juste de relever un peu la feuille pour prendre la photo (promis, aucune mygale n’a été maltraitée pour cette photo)! Par contre, un petit texte sur l’éthique en photo est déjà prévu. Bon, on a pas cloué une bestiole sur un tronc pour la photo ou acheté une bête en animalerie, mais c’est vrai que parfois on est « obligé » de tricher un peu. On en reparlera!
Super ! Mais je ne me fais pas de souci, cette série de « mini-reportages » à l’air très bien préparée. Bravo aux deux rédac-chef-journalistes-photographes-iconographes-webmasters-et quoi d’autre? ^^