Une tortue peut en cacher une autre…
Tortue imbriquée (Eretmochelys imbricata)
Quoi de mieux pour conclure en beauté cette semaine aquatique que cette magnifique tortue ? Un cliché loin de concurrencer les innombrables photos prises par les plus grands photographes animaliers, mais qui représente beaucoup pour Anaïs et moi. Un souvenir en image d’une rencontre magique.
Quand on part pour une chasse photo dans un nouvel environnement, on aime se fixer un but : l’animal phare, celui qu’on aimerait le plus avoir la chance de croiser. Pour la Guyane par exemple, c’est le jaguar, un animal mythique qui nous a pour l’instant toujours échappé. Ce but ultime d’un séjour nous fait souvent imaginer l’animal à chaque détour de sentier ou derrière chaque rocher. Une attente souvent vaine, mais qui permet de toujours continuer à explorer, qu’importe le mauvais temps ou la fatigue. Et lorsque l’on atteint enfin ce but, quand l’animal tant espéré surgit devant vous, quelle émotion ! La rencontre n’en est que plus magique. Vous l’avez compris, l’objectif principal de nos plongées martiniquaises était de rencontrer une tortue marine, sous la surface. Nous avions déjà vu ces reptiles en Guyane, mais sur le sable, en train de pondre. Un moment unique (à partager ici ), mais nous étions persuadé que voir cet animal évoluer dans son élément était tout aussi magique. Nous n’avions pas tord…
Durant nos plongées, toutes nos pensées étaient donc tournées vers ces reptiles marins. En sortant de l’eau bredouilles, nous tentions de récolter des informations auprès des autres plongeurs, savoir où ils en avaient déjà croisé, à quelle profondeur, quand, etc. Pour en conclure que ces animaux étaient bien présents, en assez grand nombre le long du littoral que nous fréquentions. Simplement, la chance n’était pas au rendez-vous. Trois jours avant notre départ, nous sommes allés vadrouiller dans le nord de l’île, empruntant la forêt tropicale pour atteindre des plages sublimes, plus sauvages, bien loin du charme convenu des plages de cartes postales du sud. Nous entamons donc une plongée bien longue, nous éloignant un peu de la plage pour partir le long du littoral, surplombant de magnifiques récifs coralliens. Le courant étant relativement fort, nous décidons de faire une courte halte pour nous reposer sur une petite plage aperçue en remontant à la surface, accessible uniquement par la mer. Autant dire que l’on se sent vite comme deux robinsons, seuls au monde sur notre magnifique plage privée, à l’ombre des cocotiers ! Une fois nos forces récupérées, nous repartons dans l’eau en sens inverse. Le temps se montrant alors de plus en plus menaçant et la houle se faisant de plus en plus forte, nous remontons difficilement le courant pour atteindre nos serviettes. Le retour est long et épuisant, autant dire que les tortues étaient bien le cadet de nos soucis. Et comme souvent, c’est quand on s’y attend le moins…
A quelques dizaines de mètres du rivage, juste avant de sortir de l’eau, je l’aperçois. Une magnifique tortue imbriquée, nageant gracieusement autour des rochers, à la recherche de nourriture. Le temps d’hurler dans mon tuba pour avertir Anaïs et nous voilà tous deux à la suivre à quelques mètres de distance. Durant les deux petites minutes partagées aux cotés de cette tortue, je peux vous dire que la fatigue et le mauvais temps s’étaient évaporés. Le remous rendait l’eau un peu trouble, et l’animal nous distançait facilement quand nous tentions de s’approcher un peu plus près. Ainsi, les quelques photos faites ressemblaient toutes à quelque chose comme ça . A une seule occasion, la tortue m’a laissé m’approcher d’elle en apnée, me permettant de faire la photo proposée aujourd’hui, ainsi qu’une petite vidéo tremblotante (prendre en chasse une tortue en apnée tout en filmant est un exercice difficile !). Puis, l’animal, accélérant sa nage, s’est peu à peu dirigé vers le large, est monté brusquement à la surface prendre sa respiration pour enfin redescendre à toute vitesse se cacher sous un rocher à une bonne dizaine de mètres de profondeur. Après avoir attendu quelques secondes, nous avons décidé de le laisser tranquille. A noter, nous avons eu la chance de recroiser le lendemain même une autre tortue, qui est restée bien moins longtemps pour nous tenir compagnie, ne nous permettant pas de faire de meilleurs clichés que cela.
Ainsi, pouvoir observer (par deux fois !) l’animal tant espéré, atteindre le but annoncé de notre séjour, est déjà formidable. Mais pouvoir l’immortaliser, avec une photo exploitable de surcroit, est le meilleur cadeau que pouvait nous faire la Martinique. Car souvent, les plus belles rencontres ne font pas les plus beaux clichés. A cause de soucis techniques parfois (mauvaises conditions de luminosité, animal trop rapide, etc.), mais surtout parce que certaines scènes se vivent, tout simplement, et perdent leur force une fois sur la pellicule. Je pense notamment à un des moments les plus impressionnants de notre séjour, lorsque nous nous sommes retrouvés au beau milieu d’un banc gigantesque de poissons, formant une masse compacte et mouvante (pour vous donner une petite idée, dites vous que sur cette vidéo, on y voit à peine un dixième du banc). Un moment unique, surréaliste, parfois inquiétant. Mais voilà, les clichés réalisés ne peuvent pas prétendre retranscrire ne serait-ce qu’un peu l’émotion ressentie par le photographe lors d’un tel instant magique. En conclusion, si les écrivains, journalistes ou photographes vous donnent un petit aperçu des merveilles de la nature, rien ne vaut l’émotion ressentie en vivant soi-même LA rencontre, LE moment, celui qui sera unique car n’appartenant qu’à vous. Donc, sortez ! Partez explorer le monde et ses habitants, allez le voir de vos propres yeux ! La nature vous offre une multitude de choses à découvrir, de petits instants uniques qui n’attendent que vous.
C’est sur cette invitation au voyage que je rends donc la plume après cette semaine aquatique. « Notre vision des choses », celle de notre séjour sous les eaux martiniquaises, redevient donc « Ma vision des choses », celle de la photographe, la vraie, Anaïs ! Cela dit, mon petit doigt me dit qu’il y a des chances que je revienne trainer par ici à la rentrée prochaine. En effet, l’expédition « Guyane 2011 » se précise. Après le succès inattendu du « Mois de la Guyane » l’année dernière, nous réfléchissons comment vous faire partager cette fois encore notre voyage, sans doute sous une forme différente. A ce propos, n’hésitez pas à nous laisser des suggestions pour l’année prochaine : ce que vous avez aimé ou non dans le mois de la Guyane version 2009 ou ce que vous aimeriez voir pour la prochaine édition (plus de photos, textes, vidéos). Bref, quelques commentaires constructifs pourraient bien nous être utiles avant notre départ pour la jungle amazonienne. Rendez-vous dans quelques mois donc…
Yann
Très joli cliché de ce qui semble avoir été un excellent moment. Pas de doute, ça donne envie !
En tous cas, l’idée du combiné photo + texte est vraiment bien trouvée.