Zozo mon père
Moucherolle à tête blanche (Arundinicola leucophala)
Après un long texte bien sérieux et polémique hier, je m’étais dit qu’il serait bon de faire quelque chose de bien plus court et léger. Voyant cette photo de moucherolle à tête blanche, ou zozo mon père en créole, un texte sur les noms créoles des animaux me semblait parfait. Dans quelle galère m’étais-je fourré… Ayayay’, comme ils disent !
En Guyane, on retient parfois le nom créole d’une espèce, ces noms étant souvent assez drôles. Mais de là écrire un article sur le sujet, il y a un gouffre dont je ne m’étais pas douté. Ainsi, après plusieurs heures de recherche d’informations, je ne suis pas beaucoup plus avancé, même si je suis devenu spécialiste du créole guyanais ! Car c’est l’un des problèmes, il n’y a pas UNE langue créole, mais bien un créole guyanais, un créole martiniquais, un guadeloupéen, etc. Même si ces langues se ressemblent, chacune à ses influences (le guyanais se rapproche parfois du portugais, à cause d’une importante population brésilienne). Autre souci, le créole est avant tout une langue parlée, donc l’orthographe n’est pas toujours figée. D’autant plus que certains noms s’écrivent parfois à la française si le mot créole se démocratise. Par exemple, peu de guyanais parleront du pécari (sorte de sanglier), mais bien du cochon bwa, même s’ils ne sont pas créoles. Ainsi, beaucoup l’écriront cochon bois. Autant dire que le peu d’informations que l’on pourrait trouver sur internet sur le sujet sont quasiment impossibles à démêler. Ce seront donc souvent mes souvenirs seuls qui serviront de base à ce texte. Ainsi, j’oublierai sans doute beaucoup de choses, et l’orthographe ne sera peut-être pas toujours correcte. Eskizé-mo !
Pour nommer les animaux, les créoles ne font pas toujours dans le détail. Ainsi, un félin sera toujours un tig (tigre). Tig rouge, Tig noir, Chat tig, etc., mais tig quand même. La plupart des oiseaux seront des zozo : zozo kongo, zozo maso, ou encore zozo mouche pour le colibri. Mieux, une mouette ou une sterne sera sans distinctions un goélan. Le grand vautour noir qu’est l’urubu deviendra un simple korbo. Pour la plupart des espèces, le nom est donc une simple description plus que concise de l’animal (le toucan est alors un Grobèk). Ainsi, l’aigrette blanche va être appelée Granblan. Un autre grand échassier, le héron cocoï sera le Grangris. Et donc, le héron vert est nommé… Michel. Bon, parfois, il faut pas chercher à comprendre.
Mais il ne faut pas s’arrêter sur ce coté un peu simpliste. En y regardant de plus près, les noms créoles révèlent parfois à l’inverse une fine observation de la nature. Pour certains oiseaux, le nom dérive du cri que pousse l’animal, comme pour le Kankan ou le Kikivi. Dans d’autre cas, c’est un comportement particulier qui a été remarqué. Si cela semble évident pour le pic, appelé Charpentyé, cela l’est moins pour l’Anhinga d’Amérique, ou Zozo sérpan. Cet oiseau possède une structure osseuse particulière qui lui permet de s’enfoncer un peu plus dans l’eau que ses congénères ailés. Seul le long cou dépasse alors de la surface, faisant alors penser à un serpent. Certains noms reflètent donc une réelle connaissance de l’animal. Si au premier abord le nom de Gran zozo djab (djab signifiant diable) pour désigner l’ani des palétuviers, oiseau entièrement noir, parait un peu facile ; il semble en réalité que la couleur ne soit pas uniquement à l’origine du nom. Les cris rauques de l’animal, mais surtout l’odeur désagréable qu’il dégage ont aussi contribué à ce surnom.
Mais ces noms montrent aussi bien souvent un certain humour des créoles, leur permettant par exemple de se moquer gentiment des religieux métropolitains débarqués en Guyane. C’est notamment le cas pour l’oiseau qui nous intéresse aujourd’hui. Les couleurs blanches et noires bien séparées, il ne pouvait que rappeler la face pâle des prêtres dépassant de leur robe sombre, d’où le nom de Zozo mon père (ou Zozo monpé en bon créole). La femelle de cette espèce, d’un gris beaucoup plus terne, fut naturellement surnommée Zozo ma sœur. Notons qu’il existe une autre espèce appelée Zozo monpé : la coracine chauve. Un oiseau qui possède une zone de peau nue sur la tête, rappelant fortement une tonsure… Pour finir sur ces taquineries religieuses, je citerais le cas des crabes violonistes. Il semblerait que le mouvement de l’énorme pince de ces crustacées ait évoqué aux créoles le geste effectué sur la poitrine des fidèles se confessant lors du Confiteor. Ce crabe est donc appelé ironiquement Cé ma faute.
Avant de conclure, je ne peux m’empêcher de parler du cas des cassiques. L’espèce aux plumes jaunes sur le croupion est appelé Cul-jonn, celles aux plumes rouges Cul-rouge. Mais surtout, les arbres abritant les nids tombants de ces oiseaux sont surnommés Arbre à couilles. En voyant la photo, on se demande bien pourquoi !
Malgré ces écarts de langages (condamnables, évidemment !), le créole reste une langue chantante particulièrement agréable à écouter. Et ces noms d’espèces sont tellement plus sympathiques que nos ternes noms vernaculaires français. Je vous propose donc en conclusion un Dolo guyanais (court texte entre fable et proverbe) en créole, pour tester vos capacités de traduction, en commentaires. Il n’y a pas de raisons que je sois le seul à me battre avec les traductions !
Chien di : pozé dibout a pa pozé, fô mo kouché, fô mo ka souflé, fô mo lang ka soti pou mo bien pozé.
Yann
Tentative de traduction (peut-être à coté de la plaque) : « le chien dit : se poser debout n’est pas se poser, il faut que je me couche, il faut que je souffle, il faut que ma langue soit sortie pour bien me poser ».
Jolie photo : couleurs, cadrage, netteté… Le bec ouvert de l’oiseau ajoute une touche sympathique.
Sujet bien sympathique ma foi… Alors pour la traduction, ça va être assez proche de celle d’Audrey « le chien dit : se reposer debout n’est pas se reposer, il faut se coucher, il faut d’abord avoir soufflé et avoir la langue pendante pour bien se reposer ». ha ha ha c’est nul… Sinon, la photo du jour me semble cadrée un peu large quand même…
He he, bien joué Marion pour la traduction, c’est ça. Ma parole, mais tu parles créole!
Pour la photo, je laisse la photographe te répondre! Perso , ca me choque pas plus que ça.
Le cadrage un peu large ne me gène pas non plus (normal c’est moi qui l’est fait)… D’autant plus qu’il s’agit déjà d’une photo recadrée… hihi
Marion, championne toute catégorie!
Hihi… le créole limousin vous connaissez ? Non je plaisante ! Ca me fait tellement marrer que je cherche des sites : http://www.lecreoleguyanais.com/ Pour la photo, en fait c’est dommage que le haut à gauche soit sombre parce que du coup ça « éteint » un peu le zozio…
[…] traitant de thèmes parfois bien éloignés de la photographie proposée par Anaïs (des noms créoles à la chasse, en passant par la gestion politique de la Guyane). Pour les prochains articles, je […]